Retour
Poèmes de JEUDY MARCEL, mon père



ADIEU

Tout mon cœur, tout mon être,
Mes sens et mon infus,
Refuse ton néant,
Toute mort est ingrate,
Je ne pourrais admettre
De ton éternité,
Que cet immense amour
Que tu nous as donné,

Mes doigts sont gours
Ma plume est lourde,
Mes pleurs ne servent plus
Qu’à appauvrir mes yeux,
Plus rien, ne sert a rien
Pour moi, sous tous les cieux
Et je voudrais comprendre,
Le pourquoi du silence
Le pourquoi des départs
Le pourquoi des adieux


A MA FEMME

Mes dix huit ans sont là
Envahissant ma tête
De bonheurs , de joies,
et de rire aux éclats
Les cheveux de ma femme
Sont noir comme l’ébène
Et ma peine aujourd’hui
Aussi noir que cela

J’ai rencontré la vie
Des amours passagères
Les enfants, les aines,
Les parents et voilà
J’ai le cœur qui saigne
Et ne guérit pas
La mort est la l’amour
Ce que l’eau est a la mer
Des vagues qui se retirent
Et ne reviennent pas


SEUL

Seul, savez vous ce que ce mot veux dire ?
Quand la maison est vide
Qu’il n’y a plus un sourire
Que les murs sont des murs
Les objets des objets
Les choses sont des choses
Et votre âme un trou vide
Que rien ne rempliera,
Ni les pleurs ni les rires
Seul vous etes seul
Au milieu d’un grand bruit
Que vous n’entendez plus
Oh perdre la mémoire
Et ne plus exister
Que pour marger et boire
Et plus jamais penser


SOUVENIRS

D’un livre de chevet distraitement ouvert
Des pétales secs ont voltigées dans l’air
Message embaumé parti de moins aimantes,
Odeur de mon pays, qui le soir me hantent
Pétales d’églantier dont le rose terni
Entre les pages d’un livre, que si souvent je lis
Pourquoi revenez vous me chercher dans mon lit
Me dire que là-bas la rose qui fleurit
A le parfum léger des soirs de jadis


ORGUEIL

Quelques pensées, sur un tas de sornettes
Parmi nous, il était toujours sur la sellette
D’une plaisanterie qui cherche a faire du mal
Il répondait toujours par un mot amical
Il n’avait pas compris, rire un peu niais
Encore une occasion dont il faisait les frais.

J’ai fait comme tout le monde, j’ai commencé par rire
Plaisanteries faciles, allusions souvent pires
On aime a plaisanter quand il s’agit des autres
Et si ça fait du mal, on ne sent pas qu’importe
Il est parti un jour, avec les yeux mouillés
J’ai été mal à l’aise pendant toute la journée

L’hôpital est triste sur un lit, quand les heures
Passent si doucement parmi fièvres et douleurs
Ils ne sont pas venus me voir, tous les malins
Lui il était là, presque tous les matins
Un livre, quelques oranges, toujours un bon sourire
Besoin de quelque chose, te gènes pas pour le dire
J’aurai voulu pouvoir lui demander pardon
Mon cœur disait oui, mon orgueil disait non
IMPRESSIONS

Grondement lointain qui monte en rugissant
Les monstres aux pieds d’aciers se replient en grondant
Ils passent dans un effroi de chenilles et de roues
Creusent encore l’ornière et font jaillir la boue

Roulement lointain qui doucement s’apaise
La nature effarée en revient à ses aises
Le poulet déplumé s’approche en picorant
Et le chien maigre aboie aux derniers grondements

Les monstres sont passés en laissant derrière eux
Comme un goût très moderne aux relents sulfureux
Le rameau mutilé doucement se redresse
La nature en revient, encore à la tendresse
Mais j’ai senti ce soir passer dans un frisson
Comme un goût de malheur et une odeur de sang


PENSEES

C’est dans le sang
C’est dans les larmes
Que naissent les enfants
Et c’est là tout le drame
Ils auraient pu comme les papillons
Venir tout doucement

Passant d’une vie à l’autre
D’un destin très ouvert
A une forme rutilante
Et tout cela sans bruit
Sans larmes et sans souffrance
Mais nos Dieux pernicieux
Ont préférés les guerres
Les maladies infirmes
Et les peurs séculaires
Pour pouvoir apprécier
Et en toute innocence
Ils nous ont voyez vous
Donner l’intelligence


NOSTALGIE

Les grandes scilles au mois de mai
Hochant leurs têtes se balancent
Sur les coteaux que tant j’aimais
De l’Oranie de mon enfance

C’est au grand large que venait
La brise tiède qui faisait
Au grès du vent se balancer
Les scilles de mer au mois de mai

Lorsque finissent les frimas
Sur les collines du Languedoc
Montant mon col, hâtant le pas
Je pense aux scilles sur le roc
Et aux parfums de mimosas

Et malgré toutes les années
Quand le vent de mer me relance
Je vois les scilles qui se balancent
Au doux printemps du mois de mai
Sous les coteaux de mon enfance
De ce pays que tant j’aimais


ESPOIRS

Dans les pensées du HLM
J’ai entendu le chant
De l’oiseau Philomène
Avec ces cris d’amour
Et le cœur d’un amant
Clame au point du jour
L’hymne au soleil levant

Le béton a des failles
Qui se couvrent de verdure
Le soleil sur muraille
Fait des enluminures
Dans les poèmes rapportés
Des cités prolétaires
Dans les gravas affreux
Où poussent les pariétaires
Le chant du frêle oiseau
Clamant son espérance
Acclamant mon cœur
Dans la désespérance